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 Jean Justice † (en attente de passer au supplice)(de la validation)
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Jean Justice
Jean Justice

PSEUDO : ST
MESSAGES : 11
JOB : Poète maudit à temps plein

Jean Justice † (en attente de passer au supplice)(de la validation) Empty
MessageSujet: Jean Justice † (en attente de passer au supplice)(de la validation)   Jean Justice † (en attente de passer au supplice)(de la validation) EmptySam 22 Juin - 11:02


JEAN JUSTICE

victime de tous les maléfices





Une forme étrange se pavane dans l’ombre du dieu-truite..



ST


ÂGE ϟ Jeune et hélas déjà si vieille... Je suis en pleine 17ème année o/

SEXE ϟ ♀ (personnellement, je me demande pourquoi l’on associe ce symbole à la femme °°)

ACTIVITÉ ϟ Variable. Dans l’optique de satisfaire mon ambition qui est de flemmarder nuit et jour devant mon écran 15 pouces, il est très probable que vous ayez à me supporter relativement souvent dans l’Olympe ! Cependant, en RP.... /insérez ici un smiley de soleil/ je devrais réussir à remplir le quota de 1 post par mois, mais je ne voltigerai pas très haut. ^^”

REMARQUE ϟ Trop de chiffres dans les machines à piécettes ; je pense que je vais voter régulièrement, mais cette section me fait peur et... et vous ne m’y verrez pas vraiment.
(ah, sinon, il faudrait mettre le CSS à 100% dans la feuille de style non ?)

Et bonne lecture aux courageux qui entreprendront de lire la pire fiche de l’humanité !! (car c'est un peu long, mal écrit, et que je me répète tout le temps)(ne lisez que si vraiment vous vous ennuyez aujourd'hui ou que vous avez vidé toute votre bibliothèque)



CARTE D’IDENTITÉ : en regardant vers le pays de France





NOM ϟ Justice.

PRÉNOM ϟ Jean. À prononcer comme dans “jambon”, pas comme le pantalon.

Note : Jean est un prénom féminin en Angleterre, de même que “Justice” peut tout aussi bien être un nom anglais, alors notre homme est régulièrement pris pour une femme, si on ne le connaît que de nom.

SEXE ϟ

ÂGE ϟ 34 ans, mais il semble si vieux, si affecté par le temps qui passe..

NAISSANCE ϟ 14 Juillet.

NATIONALITÉ ϟ Français pur souche, depuis 18 générations (ou 19, mais c’est moins sûr)

ORIENTATION ϟ Les charmantes demoiselles.

PROFESSION ϟ Bac ES en poche, il s’est longtemps cherché, passant de caissier dans un hypermarché à mécanicien, valdinguant ça et là ; il s’est finalement découvert poète.... enfin, il n’a pas encore écrit de recueil, mais ça va venir.

GROUPE ϟ En-haut.



Esquisses de vices






  Ô doux fromage tout droit venu de France,
   Tes douces saveurs font de moi ton esclave,
   Devant tes opulentes formes je bave,
   C’est toi qui remplis si bien ma pauvre panse.
   Que tu te sois nommé Emmental ou Gruyère,
   Que l’on te serve en plat ou bien en dessert,
   Que tu sois accompagné ou seul sur table,
   Ravir ma papille, tu en es capable,
   Dérober mon cœur, ce n’est pas un défi !
   Toi, et uniquement toi, régis ma vie.


 

Un hymne. Le chant d’un être délaissé, l’épopée d’un homme qui souffre, le souvenir d’un amant qui nous manque, la mélodie d’une nuit de douleur. Douleur, oui, Jean la connaissait bien, persuadé qu’il était de la vivre à chaque seconde de sa pauvre vie. Chaque phrase, chaque mot, chaque expression sortait de sa bouche pour exprimer cette mélancolie inéluctable. Loin de sa patrie, piégé dans un monde qu’Hadès avait sans doute voulu être une version améliorée de l’enfer, incompris de ses pairs et travesti par son propre nom, il ne pouvait -de son avis- exister aucune tristesse comparable à la sienne, car il luttait, se battait comme un gladiateur dans une arène dénuée de public, et ne voyait jamais la fin de cette situation irrémédiable. Pour pallier, ne serait-ce qu’un petit peu, le gouffre sans fond qu’était devenue son âme, il cherchait en vain, partout, les cristallisations de cette nation qui lui manquait tant. Le fromage français, le drapeau français, la carte postale française, le pain français, le pot-au-feu français, le vin français, les fleurs françaises, le chocolat français, les tartines françaises, les poils de chats français ; tous étaient de vieux amis, eux aussi rescapés en sursis, que Jean -quand il avait de l’argent- tentait de délivrer de la tyrannie anglaise, dirigée par des monarches avides et sans pitié, qui saisissaient la moindre occasion de priver le pauvre homme de ses camarades, en haussant régulièrement les prix en supermarché, parce que, soi-disant, ça ne se vendait pas ! Mais ils auraient pu inventer une meilleure excuse car... qui ne rêverait pas de posséder des produits français chez lui, après tout ? Pourtant, non, il ne pensait tout de même pas qu’il s’agissait là d’un complot mondial à l’égard de son pays natal, ni même d’une jalousie poussée à son paroxysme. Non..

   C’était lui. Il était maudit. Maudit par qui ? Maudit par le monde, le destin, la vie, le ciel et l’univers ! Sans qu’il n’y ait quoi que ce soit à voir, il était victime d’un si puissant maléfice que si chaque fois que si ce dernier était intervenu dans sa si triste vie, l’on empilait une barre de chocolat (français), le problème de la faim dans le monde serait définitivement réglé pour les siècles à venir ! L’on augmentait les prix de tout ce qu’il achetait, l’on faisait la grève dans toutes les lignes de métro qu’il prenait, il pleuvait tous les jours où il souhaitait sortir ; ce ne pouvait être une coïncidence, n’est-ce pas ?

Mais Jean, il avait surtout le don de faire passer le moindre tas de terre pour une montagne alpine. Le don d’en faire trop, et de transformer chaque brise en ouragan. Si quelqu’un avait le malheur de lui dire qu’il n’avait jamais “tâté” d’une fameuse spécialité française qu’il aura décrété indispensable, ou se risquait encore à dire qu’il ne connaissait pas un certain artiste français qu’il aura décrit comme étant un classique... alors, Jean lui dirait maintes fois qu’il n’avait rien saisi de l’existence, et qu’il n’en avait rien goûté. Heureusement, il réparerait cette méconnaissance complète, et ce même si le sujet de l’enseignement à venir n’en avait rien à faire. Parce que c’était, en quelque sorte, impardonnable, et que sa culture à lui semblait avoir à ses yeux bien plus de valeur que la votre.

Car vous n’appreniez rien à Jean. Il ne racontait pas qu’il savait déjà ; non, c’était juste de l’indifférence vis à vis d’une connaissance qu’il n’aurait omise que par choix, et non par ignorance totale. “En poésie, il faut avoir l’esprit pur” répondait-il lorsqu’on avait la disgrâce de lui proposer une spécialité britannique, de lui faire écouter un chanteur britannique ou de lui montrer une oeuvre d’art britannique. Il était ensuite le premier à se plaindre que, de toute façon, personne ne faisait aucun effort pour l’intégrer, par ici, alors qu’il n’attendait que de faire connaissance avec vous, le pauvre bichon. Il était maudit, de toute façon, tellement maudit que personne ne voulait lui parler ; il avait besoin de se prouver qu’il était le plus malheureux du monde, et ne manquait pas une occasion de le faire, clamant sans cesse qu’on aurait dû remplacer l’ignoble langue anglaise par la sienne dans les écoles, et qu’il n’existait pas de pire scandale que de ne pas savoir parler français ! (car il ne faisait pas le moindre effort pour parler anglais, et prenait un malin plaisir à le prononcer comme il l’entendait, bien entendu)

   Par dessus tout, Jean, c’était avant tout un poète. Cracher par terre, mâcher un chewing-gum la bouche grande ouverte, injurier de tous les côtés, “flirter”, faire exploser des pétards dans les rues, ronfler, se mettre du chocolat sur le pourtour des lèvres, parler le jeun’s, boire de l’alcool jusqu’à devenir complètement bourré, fumer, jeter ses détritus dans l’avenue ; tout ça, on ne l’avait jamais vu le faire. Peut-être n’y touchait-il réellement jamais, peut-être avait-il déjà essayé... Ce qui était sûr, c’était qu’il se voulait l’ambassadeur des français raffinés, polis, élégants, romantiques et intelligent. De son point de vue, ces anglais auraient beaucoup à apprendre de lui, mais cette façon de penser était à se demander s’il avait un jour mis les pieds en France après le dix-septième siècle.

   Sinon, Jean, c’était aussi le genre de personne qui ne se prenait pas beaucoup la tête avec les gens. Rancunier ? Pas vraiment, ou plutôt pas du tout, car il avait vécu tant de choses malheureuses dans son ignoble vie qu’une de plus ou de moins.. au final, cela revenait au même, et il n’y prêtait même pas attention. Rendre service ? Pas vraiment, ou il ne fallait pas lui demander quelque chose de créatif, et surtout pas un poème, car en plus de vous faire payer, il n’y arriverait jamais, et finirait par vous dire que sa malédiction pesait trop fort sur ses pauvres épaules, le rendant incapable d’accomplir cette tâche - sans toutefois vous restituer l’argent dépensé. S’il n’était pas nécessairement avare, il ne disait jamais non à quelques piécettes dans son portefeuille..

   Et Jean, il continuait. Il écrivait sa routine, il bâtissait ses habitudes, sans jamais se remettre en question. Il persistait, il pensait que ça viendrait très vite.

   Parce que sa véritable malédiction,
   N’était rien d’autre que la détermination.


HISTOIRE : Je m’avisai que c’était par ignorance



Il a rêvé, mais il n’est pas devenu rêveur (c’est pourtant en forgeant qu’on devient forgeron!)








   « Chers parents,

Aujourd’hui est un grand jour ! Non pas à cause de ce soleil, à peine levé dans le firmament au moment où l’encre coule sans discontinuer sur ce papier, comme les larmes tendent à perler sur mes joues rougies ; non pas à cause d’un livre que j’aurais enfin eu l’opportunité de finir, car ce n’est toujours pas le cas, mais..

Je m’en vais.

Vous allez me dire que, me faisant déjà plus d’une trentaine d’années, je suis libre d’aller où je veux sans vous prévenir, tel un oiseau dont la brise serait la seule compagne. Mais aujourd’hui, votre rouge-gorge ne se contente plus de voleter ; il migre vers de nouveaux horizons. Horizons inconnus, peut-être dangereux. A-t-il seulement conscience du chemin sur lequel il s’engage ? A-t-il assez de force dans les ailes pour s’y rendre ? Oui, il a déjà son billet en main, prêt à prendre l’Eurostar, et il a déjà posé sa valise dans le compartiment du fond, à côté des autres passagers de première classe.

Vous devinez. Je vais à Londres sans escale.

Votre mouette est poète, et elle est en proie à de profonds tourments. Non pas qu’elle n’aime pas la France, qu’elle n’emporte plus avec elle son “minimum vital” constitué d’un échantillon des meilleurs camemberts que notre beau pays produit, ou qu’elle n’admire plus la délicieuse langue de Molière, mais elle doit écrire. Écrire pour vivre, écrire pour survivre, écrire jusqu’à en devenir ivre ! Seulement… désormais je suis trop ivre ; j’ai bu, j’ai consommé, et, faut-il l’avouer aussi vite, mon puits de jouvence s’est asséché. Mes mots perdent leur puissance, deviennent vides de contenance, et je tombe dans une telle souffrance... Ce cancer qui me ronge, s’infiltre dans mes veines d’encre et déchire mes poumons d’inspiration, rien ici ne peut le guérir.

Alors je pensais prendre une bouffée d’air frais.

La Tamise n’est pas Venise, la City n’est pas Paris, et là tout changera. Je tourbillonnerai dans chaque rue, me laisserai porter dans l’avenue ; je n’aurai d’autre quotidien que la découverte, et trouverai tant de nouveaux sujets qu’il me faudra parfois des arrêts. Chaque fleur sera un médicament, et la nuit me portera, dans les grands hôtels qui longent le fleuve, les prescriptions que je ne puis trouver ni chez vous, ni chez moi. Nul doute alors que je reviendrai bien vite par ici, les bras ensevelis, croulant presque sous le poids des nombreux recueils terminés. J’aurai alors à vous montrer tant de beautés, qu’il vous en faudra pour les lire plusieurs étés. Peut-être n’aurez-vous même pas le temps avant mon départ - sans doute prochain, et déjà inéluctable - pour l’Académie, qui aura entre-temps eut vent de mes écrits.

D’ici là je vais bien, je pense à vous et, si vous avez toujours douté de ma vocation inéluctable, peut-être en serez-vous enfin convaincus lorsque vous cesserez de voir un fils chancelant, un fils qui se balance sur son fil doré sans jamais parvenir à arrêter ce mouvement vertigineux, un fils qui fera place, très rapidement, à un Poète dont la majuscule impressionnante témoignera à elle seule davantage que les plus prestigieuses mentions que l’on peut retrouver sur un CV.

Je vais bien, je pense à vous et je vous embrasse,

                         

                           Jean. »



Elle relut la lettre une dernière fois dans un soupir, avant de la ranger au chaud dans son petit tiroir. Une semaine plus tôt, elle l’avait pourtant oubliée, et n’aurait sûrement jamais songé à l’aller quérir dans les méandres de ce buffet, dans lequel chercher un simple papier était une véritable croisade. Celle-ci s’était pourtant imposée comme une nécessité, ce matin-là, et il avait fallu trouver ce fichu bout de papier. Cette feuille mi-jaunie - remerciez le chien - mi-déformée par les nombreuses prises était après tout la dernière lettre de Jean qu’ils avaient reçu.

Il n’était pas revenu depuis un an.

Un an, déjà, qu’elle se faisait du soucis pour son fils, son seul et unique oisillon. Il était pourtant vieux, à présent, il n’avait plus besoin de ses vieux parents, il trouverait l’amour et fonderait une famille un jour. Mais l’inquiétude ne venait pas de là ; il était parti pour l’Angleterre. Un pays inconnu, dont il n’avait probablement entendu parler qu’à la télévision, les rares fois où il était devant. Un pays de sauvages, de barbares incultes, de vikings modernes qui avaient probablement déjà perverti l’âme innocente de cette pauvre créature ! Ah, elle aurait voulu le retenir, lui courir après, faire arrêter l’Eurostar, saboter le train, faire exploser sa destination pour qu’il ne puisse jamais y aller ; mais cela avait été impossible. Impossible de l’appeler - il avait raconté que les ondes du téléphone portable nuisaient à sa sensibilité profonde, quelque chose comme ça -, impossible de lui envoyer de lettres, n’ayant aucune destination à écrire. Peut-être était-il déjà mort, tabassé par ces rustres, ou lynché parce qu’il n’avait pas voulu prendre de saucisses au petit-déjeuner, pauvre enfant !

   Chaque jour, pourtant, Mr. et Mme. Justice faisaient la course au premier qui se jetterait sur la boîte aux lettres ou consulterait le répondeur, allant jusqu’à s’envoyer leurs dentiers respectifs au visage ! Ils s’inquiétaient, rassemblaient des fonds pour voyager eux-mêmes, lançaient des avis de recherche sur internet, saisissaient la police, tentaient de communiquer spirituellement avec l’âme de leur fils - toujours sans succès. Leur imagination débordante les transportait dans toutes les situations possibles - ou impossibles, allant jusqu’à leur faire croire que Jean avait été enlevé par une fédération d’extra-terrestres désireux de voler les secrets culinaires de la France. Le reste de la famille, composée d’un oncle borgne et de deux tantes qui demandaient tous les jours leur prénom, était tout à fait d’accord avec ces hypothèses. Le petit Jean, c’était le seul rejeton, il n’avait ni cousin ni frère, alors -quand on se souvenait de lui- on en prenait soin, il était aussi important que les parties de belote du samedi soir, et on lui donnait deux fois plus de gâteaux au miel lors du goûter. Son départ avait fait plus de bruit que le tracteur du vieux Simon ; l’on parlait de Jean comme s’il était là, comme s’il était juste à côté et qu’il allait bientôt entrer. L’on se demandait s’il mangeait toujours bien son emmental au petit déjeuner, et l’on se disait que oui ; c’était Jean, après tout, c’était le fiston qu’on aimait tant, alors il le faisait forcément. Parfois, même, une troisième assiette se trouvait là, sur la table, et on n’osait pas l’enlever, c’était au cas où il ferait son apparition, au cas où il viendrait réclamer sa portion de boeuf bourguignon. On nettoyait sa chambre, on lavait ses pantalons, on vérifiait que son rasoir fonctionnait toujours, et on lui jouait ses cartes. On perdait même contre lui, de temps en temps, et on lui disait qu’il s’était amélioré.

Les jours défilaient, cependant, sans nouvelle de sa part.







   « Madame,

En réponse à votre candidature, je suis au regret de devoir vous informer que celle-ci n'a pas été retenue. Soyez cependant assurée que cette décision ne met pas en cause vos qualités personnelles, ni même celles de votre formation.

Nous sommes très sensibles à l'intérêt que vous portez à notre entreprise, et conservons vos coordonnées afin de vous recontacter au besoin. Nous vous souhaitons une pleine réussite dans vos recherches futures.

Veuillez agréer, Madame, l'expression de mes salutations distinguées.

Jean Justice † (en attente de passer au supplice)(de la validation) 1371771127-gwahah   »



   À peine ouverte, à peine lue, la lettre fut sauvagement déchirée, avant d’être expédiée dans la petite corbeille noire. Cette fois, c’en était trop, il sévissait, perdait patience, s’énervait et se devinait déjà la furieuse envie de hurler, le plus fort possible, et d’en arracher les tympans de ce « John Smith ». Jean ne comprenait pas : il avait pourtant usé de son plus beau Molière, écrit des alexandrins, saupoudré le tout de métaphores filées et d’emphases hyperboliques ! Et en plus, on l’avait appelé «Madame» ; mais ça, il avait l’habitude, puisque visiblement, tous les recruteurs de Londres étaient anglais, tous les recruteurs de Londres ne voyaient décidément pas plus loin que le bout de leur nez ! ….il était vraiment maudit, décidément. Depuis qu’il était arrivé, les malheurs s’étaient enchaînés, sans la moindre trêve.

   Dans l’Eurostar, deux secondes avant que le contrôleur n’arrive, et alors qu’il avait ouvert la fenêtre pour respirer une dernière fois l’air pur de France, ce petit coquin de billet s’était échappé. Il ne comprenait pas ; pourtant, il le tenait bien comme il faut. Après avoir été traité de passager clandestin, de voyou et de fripouille, il s’était glorieusement défendu ; s’en étaient résultées huit heures d’attente dans une salle bouillante pour confirmer qu’il avait bien acheté son ticket - à l’issue desquelles on lui en procura un nouveau. Cette fois, il avait senti un court instant que tout n’allait pas si mal, qu’il y avait une justice, quelque part!  Sauf qu’il avait oublié la neige, le mois de Février, les doux flocons qui venaient toujours s’infiltrer là où il ne fallait pas ; et qu’il avait attendu, et qu’on lui avait annoncé au bout de cinq heures que le train ne partirait pas aujourd’hui. Attente, attente, angoisse, misère, malheurs, tous ces mots qui revenaient en boucle ! S’il avait finalement pu partir deux jours plus tard, poser sa tête contre la vitre et s’endormir, il se doutait déjà que ce n’était que le début..

   Et à ce moment-là, il n’avait pas tort.

   Une fois arrivé à “Londres”, il s’était tout d’abord étonné de voir que rien n’y était traduit en son langage natif. Il n’avait pas compris, il avait hésité, il avait posé des questions dont il ignorait lui-même la signification ; et on avait fait une drôle de tête, on n’avait pas compris, on avait hésité, et on avait haussé les épaules devant cet étranger. Puis on avait continué son chemin, simplement ; et Jean s’était énervé, décrétant que l’accueil était exécrable, avant de hausser lui-même les épaules et de partir se caser dans le premier hôtel où l’on comprenait le français.

L’hôtel Sherlock Holmes. 4 étoiles. (tant qu’à vivre dans un territoire hostile, autant avoir dans sa chambre un mini-frigo et une télévision, non ?) 500 livres la nuit, cela lui avait paru tout à fait raisonnable, bien qu’il n’ait eu à ce moment-là aucune idée de ce que cela pouvait bien représenter en euros... Bah, sûrement peu, s’était-il dit (il l’avait regretté amèrement) sur l’instant. Il y avait stationné une nuit ; et puis il ne guérissait pas tout de suite, alors il se dit une semaine, et puis il estimait que ça n’allait toujours pas, alors il haussait les épaules. N’était-il pas libre de voleter à son aise, après tout ? Il irait où il voudrait, et s’il avait finalement pris la décision de rester un mois supplémentaire, il n’y aurait personne pour le retenir.

Seulement, si les jours se faisaient semaines, les semaines devenaient mois ; et quand les mois devinrent une année, il n’avait pas vu le temps passer. Qu’avait-il fait, justement, de ses journées ? Pourquoi regardait-il la tamise s’écouler inlassablement, et pourquoi soupirait-il ? Jusqu’où allaient s’enfoncer, dans les ruelles de Londres, ses jambes molles ? À quoi pensait-il, ces rares soirs où il était assis devant son carnet, dont les pages étaient à peines obscurcies par une ou deux tâches d’encre qui parvenaient à s’échapper du stylo ?

Jean, il était vide. Dénué d’inspiration, dépourvu de talent, dépourvu de motivation. On pouvait fouiller, vider tous ses tiroirs - ceux du salon, de la cuisine, et de sa propre âme - ; il n’y avait rien. Pas un texte n’avait germé, pas un vers ne résonnait, là-dedans. L’imagination, en avait-il jamais eue ? Il y avait bien cette ode, seul vestige de son aventure poétique, seul trésor qu’il n’avait point osé jeter. Parce que ces phrases le définissaient, lui ; ces phrases, c’était son premier écrit, son précieux qu’il relisait inlassablement, comme pour y trouver à trouver l’effervescence des débuts.


  Ô doux fromage tout droit venu de France,
   Tes douces saveurs font de moi ton esclave,
   Devant tes opulentes formes je bave,
   C’est toi qui remplis si bien ma pauvre panse.
   Que tu te sois nommé Emmental ou Gruyère,
   Que l’on te serve en plat ou bien en dessert,
   Que tu sois accompagné ou seul sur table,
   Ravir ma papille, tu en es capable,
   Dérober mon cœur, ce n’est pas un défi !
   Toi, et uniquement toi, régis ma vie.


Mais il n’y avait rien. Le début était loin, si loin qu’il s’effaçait dans l’horizon ! Et Jean était là, dans son studio, avec un colocataire des plus étranges. Et Jean était là, perdu, paumé au milieu d’un océan d’inconnus, ruiné, seul et maudit. Et Jean persistait, il était là devant sa feuille blanche, persuadé que ça viendrait, et qu’il écrirait à foison, et qu’il serait publié, et qu’on lui donnerait enfin le siège à l’Académie Française qui lui avait toujours été réservé.

Un jour, oui, ça viendrait.

Il suffit d’attendre, et de laisser ses pensées couler comme le fleuve, dériver, dériver... jusqu’où ? et pour combien de temps ?
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Rhadamanthe
Rhadamanthe

PSEUDO : Polys.
MESSAGES : 162
JOB : Roi d'En-Bas.

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MessageSujet: Re: Jean Justice † (en attente de passer au supplice)(de la validation)   Jean Justice † (en attente de passer au supplice)(de la validation) EmptyDim 23 Juin - 16:43
Sois le bienvenu, Jean ! Ton personnage stéréotype français est juste génial. :coeur:Si Londres le bloque au stade de la page blanche, alors j'espère que l'Envers stimulera son inspiration. En tout cas tu es validé ! Amuse-toi bien et pense à faire recenser ton avatar.

EDIT : Pour la petite anecdote, ♀ représente un miroir à main (symbole féminin) et ♂ représente un bouclier et une lance (symbole guerrier). C'est carrément old school cliché sexiste, yeay. coeur
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Jean Justice † (en attente de passer au supplice)(de la validation)
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